Recherches et rédaction
Voir les biens de ce lieu repris à l'inventaireSituée dans le prolongement de la rue du même nom, l'avenue Rogier est une longue artère s'étendant de la chaussée de Haecht à la place Général Meiser. En suivant les deux versants de l'ancienne vallée du Maelbeek, elle traverse deux ponts de chemin de fer, ainsi qu'un square elliptique et deux places, celles des Bienfaiteurs et de la Patrie.
Le nom de l'artère rend hommage à Charles Rogier, journaliste et homme politique belge (Saint-Quentin, 1800 – Saint-Josse-ten-Noode, 1885). Il est attribué en 1851 à la rue Rogier, en remplacement de sa dénomination primitive, rue de la Séparation.
L'avenue est ouverte en plusieurs phases. Sa première partie, entre la chaussée de Haecht et la place des Bienfaiteurs, constituait à l'origine une partie de la rue Rogier. Cette dernière est ouverte avant 1846 entre l'actuelle chaussée d'Anvers et la chaussée de Haecht. Suivant un plan général décrété cette année-là, l'artère est prolongée jusqu'à la rue Josaphat, à travers un terrain appartenant à l'Administration des Hospices et Secours de la Ville de Bruxelles. Pris en charge par cette institution, les travaux sont effectués au cours des années 1850. Sur un plan dressé vers 1858, la rue apparaît tracée jusqu'à la rue des Coteaux, créée sur l'ancien lit du Maelbeek.
C'est en vertu d'une convention conclue en 1861 avec les propriétaires des terrains concernés que l'artère est ensuite prolongée jusqu'à la Grande rue au Bois, croisant – via un passage à niveau – la ligne de chemin de fer de ceinture Bruxelles-Luxembourg. Cette ligne sera légèrement déplacée vers l'est et mise en tranchée au début des années 1910, laissant la place à l'avenue Paul Deschanel. Au milieu des années 1860, une gare est établie sur la rue Rogier, ce qui nécessite le pavage de l'artère jusqu'à cette hauteur. Son pavage jusqu'à la Grande rue au Bois s'effectue au début des années 1870.
En 1866, l'inspecteur-voyer Victor Besme prévoit déjà la prolongation de la rue Rogier, émaillée de ronds-points, jusqu'à la future place Général Meiser. Il faut cependant attendre le plan de voiries du quartier de la Vallée Josaphat, dressé par l'ingénieur communal des Travaux Octave Houssa et approuvé par l'arrêté royal du 10.02.1902 puis définitivement par celui du 21.04.1906, pour que ce prolongement soit décidé. C'est à cette époque que l'artère prend le nom d'avenue à partir de la chaussée de Haecht. Les travaux de prolongation et d'aménagement seront effectués entre 1907 et 1914. Plus large que l'ancienne, cette nouvelle partie de l'avenue est dotée d'un terre-plein central. L'ensemble de l'artère était anciennement planté d'arbres; il n'en subsiste aujourd'hui qu'au-delà de la place des Bienfaiteurs.
Situés respectivement à l'est de l'avenue Paul Deschanel pour la ligne Bruxelles-Luxembourg et à hauteur des rues des Pavots et de la Luzerne pour la ligne Schaerbeek-Hal, les deux ponts de chemin de fer que l'avenue enjambe remontent au début des années 1910 (voir notice).
Concernant le bâti de l'avenue, sa première partie, entre la chaussée de Haecht et la rue des Coteaux, présente des maisons de style néoclassique de deux ou trois niveaux. Les premières d'entre elles sont construites avant 1858, pour la plupart au début du premier tronçon côté impair. Les suivantes apparaissent essentiellement dans les années 1860 et 1870. Elles forment parfois des ensembles de maisons identiques, tels les nos95 à 101 ou 107 et 109. Une belle enfilade se démarque du no53 au no79 (voir ces numéros). Outre quelques démolitions, la majorité des immeubles ont subi des transformations: aménagement d'un rez-de-chaussée commercial, surhausse, parement de briquettes, etc. Signalons, au no18-20, une habitation à trois façades d'avant 1858, flanquée d'un jardin (voir ce numéro). Deux maisons de style néo-Renaissance flamande, de respectivement 1882 (voir no22) et 1890 (no8), s'insèrent dans ce bâti néoclassique.
Remaniée à l'occasion du déplacement du chemin de fer et de la création de l'avenue Paul Deschanel, la zone située entre la rue des Coteaux et les avenues Dailly et Général Eisenhower n'a été bâtie que tardivement. Elle se compose essentiellement d'immeubles de rapport de l'entre-deux-guerres, d'influences Art Déco ou moderniste. Côté pair, entre la rue des Coteaux et l'actuelle avenue Paul Deschanel se trouvent toujours les hangars et bureaux de la Maison Lochten, négociant en bois implanté à cet endroit depuis 1889 (no116-118).
Du pont du chemin de fer jusqu'à quelques numéros au-delà de la place de la Patrie, les maisons sont pour la plupart conçues entre 1904 et 1914, de temps en temps dotées d'un rez-de-chaussée commercial. Elles sont majoritairement de style éclectique, tels les nos312 et 314 (géomètre Hector Van de Velde, 1912-1913). Certaines sont d'inspiration néogothique, comme le no142-142a, conçu en 1909 par l'architecte Victor Moreau, qui en dédouble l'entrée en 1925, de tendance Art nouveau, comme les nos172 (architecte Louis Boghemans, 1908) et 249 (architecte J.M.A. Witjens, 1905), ou encore Beaux-Arts. Quelques architectes signent plusieurs immeubles de l'avenue. C'est le cas du prolifique Louis Kuypers, qui marque notamment l'enfilade de style éclectique s'étendant du no200 au no210: 200 (L. Kuypers, 1905), 202 (H. Eggerickx, 1905), 204 (L. Kuypers, 1904), 206 (L. Kuypers, 1904), 208 (1905), 210 (L. Kuypers, 1906).
Les deux derniers tronçons de l'avenue sont principalement bâtis entre 1922 et 1935, de maisons, immeubles de rapport ou à appartements de styles éclectique tardif, Art Déco ou moderniste. Parmi les immeubles à appartements d'inspiration Art Déco, citons l'ensemble formé par les nos349-351 et 353-355 (architecte C. Huberty, 1927 et 1929), ainsi que le no369-371 (architecte P. Watelet, 1932). Aujourd'hui privé de son huisserie originelle, le no280, conçu en 1923 par l'architecte Léon Guiannotte, présente une façade de composition originale. Côté impair se dégage une enfilade de maisons à trois façades pour la plupart, allant des nos379 à 387. Analogues en miroir, les premier et dernier numéros sont de style Beaux-Arts, le premier conçu par l'architecte M. Selly en 1930. Les nos381, 383 et 385 (voir ce numéro) témoignent, quant à eux, d'une inspiration pittoresque. Juste en face se dresse, de la même époque, l'église Sainte-Thérèse d'Avila (voir no350a).
De nombreux artistes élurent domicile dans l'avenue: le sculpteur Charles Brunin, les peintres Joseph Quinaux, Alfred Verwee, Josse Impens et Herman Richir, ainsi que l'écrivain Charles Van Lerberghe.
Sources
Archives
ACS/Urb. 8: 233-6, 233-8; 19: 233-19; 116-118: 233-118; 142-142a: 233-142; 172: 233-172; 202: 233-202; 204: 233-204; 208: 233-208; 249: 233-249; 280: 233-280; 312: 233-312; 314: 233-314; 349-351: 233-349; 353-355: 233-353; 369-371: 233-369-371; 379: 233-379.
ACS/TP 233.
ACS/TP Infrastructure 229.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, 1865, pp. 73-74; 1871, pp. 295-296; 1911, p. 178.
Ouvrages
DEBOURSE, X., Schaerbeek. Parcours d'Artistes, Arobase Édition, Bruxelles, 2009, pp.82, 105.
DENHAENE, G., Réveil littéraire et artistique. Schaerbeek 1880-1930, Atelier Ledoux Éditions, Bruxelles, 1998, p. 48.
FISCHER, F., Notice sur les grands travaux de Schaerbeek (Premier Congrès international et Exposition comparée des Villes), Bruxelles, Imprimerie Ferdinand Denis, 1913, p. 7 in: Bulletin communal de Schaerbeek, 1913, p. 438.
Périodiques
No280: VAN MONTFOORT, «La Maison (suite 2)», L'Émulation, 9, 1924, p. 134.
Cartes / plans
HUVENNE, J., Carte topographique et hypsométrique de Bruxelles et ses environs, vers 1858 (ACS/TP).
POPP, P. C., Atlas du Royaume de Belgique, plan parcellaire de la commune de Schaerbeek, vers 1858.
Carte de Saint-Josse-ten-Noode et de Schaerbeek au 1er Janvier 1865 (ACS/TP).
BESME, V., Plan d'ensemble pour l'extension et l'embellissement de l'Agglomération bruxelloise, 1866 (AVB/Cartes et plans de la Ville de Bruxelles).
HOUSSA, O., Plan no4. Boulevard de ceinture – Vallée de Josaphat, 09.1904 (ACS/TP).