Recherches et rédaction
1989-1994
Voir les biens de ce lieu repris à l'inventaireAu croisement du boulevard de l’Impératrice et de la Putterie, espace elliptique précédant la Gare Centrale construite dans le cadre des travaux de la Jonction ferroviaire Nord-Midi.
L’histoire complexe de ce lieu est liée à celle du chemin de fer à Bruxelles et aux grands projets urbanistiques qui ont marqué la capitale aux XIXe et XXe siècles. Dès 1836-1838, au lendemain de l’inauguration en 1835 de la première ligne de chemin de fer belge Malines-Bruxelles et de la station de l’Allée Verte, naît le projet d’implanter une gare «intérieure» à Bruxelles. En 1840, une première voie relie la station de l’Allée Verte à celle des Bogards, place Rouppe, en passant par le Grand Entrepôt, à l’ouest (voir quai du Commerce) ; elle reste en fonction jusqu’à la mise en service des lignes de ceinture en 1871. Entre-temps, la Gare du Nord est bâtie place Rogier en 1841-1846 par l’architecte F. Coppens et la Gare du Midi place de la Constitution en 1864-1869 par l’architecte A. Payen. D’autre part, divers projets voient le jour, entre 1850 et 1860, d’une liaison ferroviaire directe au travers de la ville, à découvert ou souterraine. Après l’achèvement des boulevards du centre, l’idée se précise d’établir cette liaison à mi-pente du versant est de la vallée de la Senne et, dès lors, de la combiner à l’aménagement de la Montagne de la Cour. Ce programme complexe, rendu plus ardu encore par rétablissement d’une gare centrale et d’une liaison entre le haut et le bas de la ville, sera longuement étudié par l’architecte H. Maquet en 1876, 1884, 1891 et 1898 (voir Mont des Arts).
Le tracé définitif de la Jonction ferroviaire est mis au point en 1893 par l’ingénieur F. Bruneel et, en 1903, la Ville de Bruxelles et l’Etat se mettent d’accord sur l’assainissement complet de la zone comprise entre la place Royale, la cathédrale Saint-Michel, les rues de la Montagne et de la Madeleine, c’est-à-dire la démolition de quelques très vieux quartiers de la ville, les quartiers Terarken, Isabelle, de la Putterie et Saint-Roch — ce dernier déjà rasé en 1897-1898. L’espace ainsi libéré servira à implanter la gare centrale et un nouveau réseau de liaison entre le haut et le bas de la ville. Les rues des Colonies, du Gentilhomme et de la Chancellerie sont tracées en 1908-1909, la rue Ravenstein en 1911. La même année, les travaux de la Jonction — un tiers en surface, deux tiers en sous-sol — débutent par le Viaduc Sud. Ils sont interrompus par la guerre et ne reprennent qu’en 1936, après la création, en 1935, de I’« Office National pour l’achèvement de la Jonction Nord-Midi ». Seuls le Viaduc Sud, le tronçon souterrain et le Viaduc Nord seront exécutés avant la Deuxième Guerre mondiale. Entretemps, en 1928-1933, dans la perspective de l’Exposition universelle de 1935, on fonde au travers des ruines de la Putterie, sur une assiette nettement surélevée, la rue du Cardinal Mercier, le boulevard de l’Impératrice — qui sera élargi plus tard —, la Putterie et le Cantersteen.
La «Halte Centrale» est construite en 1937-1952 sur les plans de l’architecte V. Horta. Une nouvelle gare du Nord est élevée en 1938-1956 par les architectes P. et J. Saintenoy assistés de l’architecte J. Hendrickx-Vanden Bosch. Enfin, le projet des architectes A. et Y. Blomme et F. Petit pour une nouvelle gare du Midi est retenu à l’issue d’un concours organisé en 1936 et exécuté en 1938- 1954; les haltes du Congrès (voir boulevard Pacheco) et de la Chapelle termineront la série, tandis que les anciennes gares du Nord et du Midi sont démolies respectivement en 1956 et 1949. La Jonction est inaugurée par le roi Baudouin en 1952, mais les travaux ne s’achèvent qu’en 1954. En 1955, une voie annexe relie la Gare Centrale à l’aéroport.
Le tracé à six voies de la Jonction sinue sur 3100 mètres de long. Il débute à la Gare du Midi par un tronçon à ciel ouvert, le Viaduc Sud, se poursuit par un tronçon en tunnel et s’achève par le Viaduc Nord, qui joint le bd du Jardin Botanique à la Gare du Nord. Le Viaduc Sud franchit le boulevard du Midi par un ouvrage métallique à trois travées, de type Cantilever, qui comporte trois ponts accolés à double voie, dont les deux béquilles centrales prennent appui, aux extrémités nord et sud, sur des culées en maçonnerie. Plus au nord, une levée de terre endiguée de huit mètres de haut en moyenne, franchit les rues Frédéric Basse, Sallaert et de la Fontaine par un pont de béton à voûte en anse de panier. De même, une dalle de béton enjambe la rue Terre-Neuve et sert d’assise aux voies ferrées sur magasins que dessert la station de la Chapelle. Le tunnel à ossature de fer et béton est large de 35 m et long de 2000 m. Sa surface est aménagée en un long boulevard appelé de l’Empereur, de l’Impératrice, de Berlaimont et Pacheco. Le boulevard de l’Empereur surplombe la place de la Justice par l’intermédiaire d’un pont de type Cantilever réalisé en 1958. Enfin, une voirie nouvelle apparaît aux abords de la Jonction : rue de l’Infante Isabelle et place de l’Albertine au centre, rue des Brigittines et prolongement de la rue des Ursulines au sud, rue du Meiboom et rue de l’Ommegang au nord.
La réalisation de la Jonction a opéré une large saignée entre le haut et le bas de la ville; elle a causé la démolition de quelque 1200 maisons, l’interruption brutale de certaines rues, la disparition partielle ou totale d’îlots bâtis. La décision de raser les quartiers historiques de la Putterie, Isabelle et Terarken provoque la constitution en 1903 du Comité d’études du Vieux-Bruxelles, qui se donne pour tâche de fixer par la photographie les architectures menacées. Avec les 31 îlots ont disparu les traces les plus anciennes d’occupation de la classe aisée, notamment plusieurs hôtels de maître et la première université; n’en témoignent plus aujourd’hui que l’Hôtel de Clèves-Ravenstein (rue Ravenstein, nos 1-3) et la chapelle de la Madeleine. La suppression de la rue Sainte-Gudule a dégagé largement la vue sur la Cathédrale, de même que les bouleversements de la voirie ont modifié le point de vue sur Notre-Dame de la Chapelle. Ont aussi disparu l’ensemble rue Pacheco — Hôpital Saint-Jean — couvent Sainte-Elisabeth et la vieille voie de pénétration par les rues Steenpoort, d’Or et de l’Empereur.
La reconstruction des abords de la Jonction ne s’effectuera que lentement et par phases entre 1910 et 1960 environ. Elle reflète révolution générale de l’architecture à Bruxelles, avec une certaine propension à la monumentalité. Elle est vouée au secteur tertiaire et s’accomplit par blocs séparés, en premier lieu dans la partie haute des anciens quartiers historiques. Avant 1914 déjà, puis entre les deux guerres s’y élèvent des immeubles de style «Beaux-Arts», tels la Caisse Générale de Reports et de Dépôts (rue des Colonies, n° 1-21) et l’Union Minière (rue de la Chancellerie, nos1-11), bientôt suivis d’ensembles Art Déco et modernistes, tels le Palais des Beaux-Arts (rue Ravenstein, nos 5-23) et le bâtiment Shell (rue Ravenstein, nos 48-70). Les boulevards sont construits plus tard, entre 1950 et 1960, dans le Style International qui prévaut alors : la Banque Nationale de Belgique (boulevard de Berlaimont, nos 1-5 et 56), l’Air Terminus de la Sabena (boulevard de l’Impératrice, nos 11- 15), la galerie Ravenstein, les bâtiments de la R.T.T. (boulevard de l’Impératrice, nos 17-19), du Lotto (rue du Cardinal Mercier, nos 6-8) et du Crédit Communal (boulevard Pacheco, n° 44). De la même époque datent encore l’aménagement du Mont des Arts avec l’Albertine et celui de la Cité Administrative au boulevard Pacheco.
À l’ouest du Carrefour de l’Europe, la zone comprise entre le boulevard de l’Impératrice, les rues de la Madeleine et de la Montagne est restée longtemps non bâtie. Elle fait l’objet de plusieurs concours en 1961, 1962, 1970 et 1983. En 1968, elle est aménagée en parking par les architectes A. et J. Polak et A. Meulecom. Depuis 1987, un complexe hôtelier y est élevé sur les plans des architectes A. et J. Polak et M. Vanden Bossche : il pastiche le style traditionnel pour rencontrer les exigences du PPA. 30/40 du quartier de la Putterie, établi en 1984. D’autres constructions s’y élèvent progressivement.
Monument. «Hyperespace», bronze du sculpteur C. Delporte, en 1973, pour le cinquantenaire de la Sabena, actuellement déplacé.
Sources
Ouvrages
ABEELS, G., La Jonction Nord-Midi, Bruxelles, 1986.
BRUNFAUT, F., La Jonction, Bruxelles, 1959.
Périodiques
LOECKX, A., 20 jaar ontwerpen voor het Europakruispunt te Brussel, overzicht en kritiek, dans M. & L, 1989, 2, pp. 29-48.
VERPOEST, L., Tussen Noordstation en Zuidstation, tussen bovenstad en benedenstad : de architectuur van een kruispunt, dans M. & L, 1989, 2, pp. 4-28.