Typologie(s)

immeuble de bureaux

Intervenant(s)

Jean VERSCHUEREarchitecte1964-1968

Styles

Brutalisme

Inventaire(s)

  • Actualisation permanente de l'inventaire régional du patrimoine architectural (DPC-DCE)

Ce bien présente l’(es) intérêt(s) suivant(s)

  • Artistique
  • Esthétique
  • Historique
  • Urbanistique

Recherches et rédaction

2016

id

Urban : 38101
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Description

Bâti sur une parcelle continue. Ensemble de bureaux de style brutaliste conçu par l’architecte Jean Verschuere en 1968.

Histoire
Les deux premières demandes de permis de construire — en 1963 et 1964 — ont été introduites par le même maître d’ouvrage, Realimmo SA, résultat d’une association momentanée entre la SA Serim et l’EDM M. Delens, ce qui a donné lieu à une conception entièrement révisée, mais basée sur un projet du même architecte. En octobre 1963, Realimmo SA introduit une demande pour «démolir 9 immeubles et reconstruire un complexe avec tour de 23 étages» à la rue d’Arlon 53 à 61 et à la rue de Trèves 80 à 88. Il s’agit en réalité de deux bâtiments de trois étages (rue de Trèves) et de sept étages (rue d’Arlon), chacun sur un rez-de-chaussée exhaussé d’un entresol, et reliés par un volume perpendiculaire de trois étages sur lequel est érigée une tour élancée d’environ 77 mètres de haut. Ce projet a toutefois été refusé par le fonctionnaire délégué et le recours du demandeur auprès de la province a été rejeté. En mai 1964, une nouvelle demande a été introduite — toujours par Realimmo SA — pour la construction de deux bâtiments de cinq étages chacun, le long des rues de Trèves et d’Arlon, avec cinq niveaux souterrains (parking) d’une capacité d’environ 500 voitures. Cette demande a été approuvée lors de la séance du 09.07.1964 et confirmée par le fonctionnaire délégué le 20.08.1964. Ce dernier a toutefois fait «remarquer que l’immeuble tour figuré au plan de destination n’était pas admis et ne pourrait être admis ultérieurement».En avril 1965, un troisième et dernier projet est proposé: une variation de celui (partiellement) approuvé en mai 1964. Les deux bâtiments le long des rues d’Arlon et de Trèves comptent cette fois six étages et sont reliés par une tour de 55 mètres de haut. On compte une surface totale d’environ 18000m², ce qui correspond à 180 places de parking. Le reste, les 220 autres places de parking, «sera de nature à dégager les rues avoisinantes et à faciliter le stationnement dans ce quartier très fréquenté». L’implantation de la tour, au centre de l’îlot, considérée comme un atout, est comparée dans ce rapport à l’implantation infructueuse de la tour dans la rue de l’Industrie. Cet immeuble de bureaux dispose d’environ 450 places de parking pour seulement quelque 6600m² de bureaux. La comparaison avec d’autres tours se poursuit avec l’ancienne Britannia House (l’actuel Office européen de lutte antifraude), conçue par les architectes A.J. De Doncker et Fitzroy Robinson & Partners en 1965, rénovée dans un style postmoderniste en 1998 par l’Atelier d’Architecture de Genval, bâtie à l’angle de la rue Joseph II et de la rue Marie-Thérèse, de 55 mètres de haut, qui compte «seulement» 110 places de parking pour 13000m² de bureaux — l’implantation de la tour a également été critiquée. Autre référence: la Tour Generali, alors en construction (architectes Jean et André Polak) sur l’avenue Louise, d’une hauteur d’environ 80 mètres, qui abrite 303 places de parking pour environ 29800m² de bureaux. La conclusion de ce rapport (lettre du 08.06.1965 — TP81316), qui sert d’argumentaire pour l’approbation de la construction de la tour, explique ce qui suit: «Il résulte de ces comparaisons que le complexe en cause, mieux implanté que certains autres et comportant une réserve de parkings aussi importante devrait être également admis.» Un permis de construire est donc accordé le 09.11.1965. Des modifications mineures ont encore été apportées en 1968 (escaliers de secours extérieurs).

Description
Le complexe, qui se compose de trois bâtiments — le bâtiment A (rue d’Arlon), le bâtiment B (rue de Trèves) et le bâtiment C (à l’intérieur de l’îlot) —, doit être considéré comme un ensemble architectural. Malgré cette uniformité architecturale, les trois bâtiments sont indépendants les uns des autres, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas reliés en surface — les parkings souterrains, en revanche, sont partagés.

L’uniformité architecturale se traduit par l’utilisation des matériaux, c’est-à-dire des dalles de béton préfabriquées. En outre, les bâtiments A et B, bâtis respectivement sur l’alignement de la rue d’Arlon et de la rue de Trèves, dans le respect de la hauteur des bâtiments, assurent un impact moins abrupt de la tour (bâtiment C) par rapport aux bâtiments de style éclectique de l’époque: ils constituent pour ainsi dire une sorte d’introduction architecturale et urbanistique à la tour. Cet aspect est renforcé par l’implantation de la tour par rapport aux bâtiments A et C. La silhouette en S de la tour entraîne, le long des bâtiments A et B, la formation de cours en pointe qui servent d’accès aux zones d’entrée du bâtiment C. Par la rue de Trèves, il faut également surmonter une différence de hauteur d’environ 1,5 mètre compensée par un escalier de cinq marches en pierre bleue.

Les bâtiments A et B comportent chacun sept étages (R + 6), le plus haut étant en retrait. Rez-de-chaussée ouvert et vitré scandé de pilastresÉlément vertical plat en ressaut qui évoque un support (un pilier engagé). Il peut être muni d’une base et d’un chapiteau. en béton avec porte de garage et/ou accès au bâtiment; petit commerce dans la rue d’Arlon. Aux étages, façades rationnelles construites à partir de dalles de béton préfabriquées, ouvertures allongées dans un hexagone aux bords coupés et ébrasements. L’aspect grillagé est renforcé par de profonds joints continus qui accentuent les dalles du sol. Le bâtiment de la rue d’Arlon compte neuf travées le long de la rue, les quatre dernières étant aveuglesUn élément est dit aveugle lorsqu’il est dénué d’ouverture. Une baie aveugle est un élément construit sans ouverture, imitant une porte ou une fenêtre., et 15 travées1. Division verticale d’une élévation, composée d’une superposition d’ouvertures, réelles ou feintes. 2. En plan, la travée est l'espace compris entre deux rangées de supports disposées perpendiculairement à la façade. le long de la cour; la façade arrière a la même ordonnance que la façade avant. Le bâtiment de la rue de Trèves compte 20 travées1. Division verticale d’une élévation, composée d’une superposition d’ouvertures, réelles ou feintes. 2. En plan, la travée est l'espace compris entre deux rangées de supports disposées perpendiculairement à la façade. côté rue, les dernières étant aveugles (ce bâtiment a été construit en deux phases: 9 + 11 travées), et 13 travées1. Division verticale d’une élévation, composée d’une superposition d’ouvertures, réelles ou feintes. 2. En plan, la travée est l'espace compris entre deux rangées de supports disposées perpendiculairement à la façade. le long de la cour intérieure — seules les trois du centre sont aménagées en travées1. Division verticale d’une élévation, composée d’une superposition d’ouvertures, réelles ou feintes. 2. En plan, la travée est l'espace compris entre deux rangées de supports disposées perpendiculairement à la façade. de fenêtres, les autres sont aveuglesUn élément est dit aveugle lorsqu’il est dénué d’ouverture. Une baie aveugle est un élément construit sans ouverture, imitant une porte ou une fenêtre.. La façade arrière a la même ordonnance que la façade avant à ceci près que les 11 dernières travées sont légèrement en retrait (elles correspondent à la deuxième phase de construction du bâtiment B). À droite de ce bâtiment, la parcelle est délimitée par un mur d’enceinte en béton visant à compenser la différence de hauteur par rapport à la rue d’Arlon.

La tour allongée en S constitue le bâtiment central de l’ensemble, le bâtiment C. Elle assure la liaison avec les immeubles à appartements de la rue d’Arlon construits en 1947 et les hôtels de maître du XIXe siècle de la rue de Trèves qui existaient encore à cette époque. La liaison est assurée par des avant-corps de dix et six niveaux respectivement, comportant trois travées chacun. Au centre, une tour de 13 étages, le plus élevé étant en retrait, les deux premiers entièrement vitrés et scandés de pilastresÉlément vertical plat en ressaut qui évoque un support (un pilier engagé). Il peut être muni d’une base et d’un chapiteau. en béton. Les dix étages restants comportent des façades rationnelles identiques à celles des bâtiments A et B. L’accès au bâtiment C se fait à la fois par la rue d’Arlon et la rue de Trèves, par le côté long de l’immeuble, et donc par la cour.

Les trois bâtiments sont conçus comme des bureaux. L’intérieur a également été conçu de manière rationnelle: des plateaux qui pouvaient être agencés comme des bureaux au moyen de cloisons mobiles.

La remarquable histoire de la conception du bâtiment est la preuve de la polyvalence de l’architecte et de sa capacité artistique à faire évoluer une conception dans la direction souhaitée tout en respectant en grande partie le programme initial. L’impact visuel du bâtiment sur son paysage urbain est important, puisqu’il détermine en grande partie la structure spatiale. Autrement dit, le bâtiment organise, délimite, structure et guide le regard non seulement de l’îlot sur lequel il est construit, mais aussi des îlots environnants. Sa valeur en matière d’urbanisme et de paysage urbain est liée à cet aspect. Le bâtiment joueLe terme joues désigne les petits côtés d’un balcon, entièrement en pierre ou en maçonnerie. un rôle de premier plan dans l’aménagement (planifié) de l’espace bâti. Cet aménagement comprend aussi l’interaction entre l’espace ouvert et l’espace bâti ainsi que la relation entre les différents niveaux d’échelle.

Il est reconnaissable à l’expression de sa fonction, de son apparence et de sa conception d’origine: un immeuble de bureaux. Sa représentativité doit être liée à l’évolution sociale du quartier Léopold, passé de quartier résidentiel à quartier de services. Qui plus est, le bâtiment a entraîné sur l’îlot tout un mouvement de construction qui a conduit à une architecture de bureaux à fort potentiel patrimonial. Au fil du temps, il présente une forte cohérence avec les autres immeubles de bureaux et donc une valeur d’ensemble qui doit être liée à la valeur contextuelle: sur le plan du paysage, de l’urbanisme et de l’esthétique, on constate une relation forte avec son environnement direct — et même plus large.

Sources

Archives
AVB/TP 83158 (1963), 81316 (1964), 82023 (1968).

Périodiques
Complexe Arlon-Trèves in environnement, 10, 1971, pp. 372-375.