Recherches et rédaction

2013-2014

 

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L'avenue de la Reine est une longue artère s'étendant sur les territoires de Schaerbeek et de Bruxelles. Reliant la place Liedts, à Schaerbeek, au parvis Notre-Dame, à Laeken, elle rencontre de nombreuses artères sur son parcours. L'avenue est en outre enjambée par les voies de chemin de fer en provenance de la gare du Nord. Elle croise ensuite l'ancien tracé de la Senne, marquant la frontière communale, avant de franchir par un pont le canal de Willebroek. Enfin, face à l'église Notre-Dame de Laeken, l'artère passe en trémie sous les voies de chemin de fer de la ligne Bruxelles-Gand.

L'avenue de la Reine constitue l'une des articulations du «tracé royal», un itinéraire d'environ sept kilomètres de long qui relie le Palais royal de Bruxelles au château de Laeken. Le projet de ce tracé – qui comprend essentiellement la rue Royale, la rue des Palais et l'avenue de la Reine – est envisagé dès les années 1820, sous le régime hollandais. Les deux premières étapes en sont le prolongement de la rue Royale jusqu'à la place de la Reine, à la fin des années 1820, puis le percement de la rue des Palais, en 1833. La rectiligne avenue de la Reine, qui se substitue à partir de la place Liedts au tracé coudé de la seconde partie de la rue des Palais, n'est quant à elle ouverte que trois décennies plus tard.

Vue de l'avenue de la Reine vers Laeken (Collection Dexia Banque-ARB-RBC).

À l'origine de cette artère, une avenue de 35 mètres de large percée en 1862 entre l'église Notre-Dame de Laeken et le canal de Willebroek, afin d'offrir un ample dégagement au nouvel édifice. Cette même année, l'inspecteur-voyer Victor Besme soumet un projet de prolongement de l'avenue vers la place Liedts, cette fois sur une largeur de vingt mètres. Le projet est approuvé lors des délibérations des conseils communaux de Schaerbeek le 01.07.1862 et de Laeken le 07.10.1862. Sur Schaerbeek, le prolongement est validé par les arrêtés royaux des 22.06 et 29.07.1863, qui concernent respectivement les sections allant de la Senne à la rue du Progrès et de la cette dernière à la place Liedts. Prise en charge par la Commune, l'ouverture de la première section est effectuée en 1863-1864; elle est cédée à l'État en 1865. Réalisé aux frais de ce dernier, l'aménagement de la seconde section est effectué en 1868. L'avenue fait alors partie de la grande voirie. Pourtant prévu dès l'origine, le raccordement en droite ligne de l'avenue de la Reine à la rue des Palais à hauteur de la place Liedts ne sera effectif qu'au milieu des années 1890.

Pour le franchissement de la Senne, est prévu un pont à tablier métallique, construit aux frais partagés de l'État et des Communes de Laeken et de Schaerbeek. Trois subsides sont octroyés à cette dernière pour sa réalisation, en vertu des arrêtés royaux des 31.12.1863, 31.12.1864 et 30.12.1865. La Senne ayant été détournée et voûtée dans les années 1950, il n'y a plus aujourd'hui de pont à cet endroit.

Concernant le croisement du chemin de fer du Nord, la solution du passage à niveau est écartée au profit d'un double viaduc formant un long ovale au-dessus des voies. Il s'agit d'un projet de l'architecte . Peeters et de l'ingénieur G. M. Kennis, validé par l'arrêté royal du 18.04.1867. Les travaux d'aménagement des viaducs, baptisés ponts de la Reine, sont effectués entre 1870 et 1874. En 1903, lors de l'élargissement du chemin de fer, les maisons qui bordaient celui-ci sont expropriées par l'État et démolies. En 1932, les viaducs sont remplacés par un pont unique provisoire. Celui-ci est à son tour supprimé avant 1953 et les voies ferrées sont surhaussées pour enjamber l'avenue, dans le cadre de la création de la nouvelle gare du Nord au début des années 1950.

Avenue de la Reine, vue des travaux du tunnel passant sous la ligne de chemin de fer Bruxelles-Gand, Archieven Laca.

Pour franchir le canal de Willebroek, l'avenue de la Reine emprunte le pont de Laeken. Vers 1880, le pont tournant en fonte de 1823 est remplacé par deux ponts parallèles séparés par un bassin. Ils sont à leur tour remplacés, vers 1907, par deux ponts basculants, l'un d'eux à imposante structure métallique ouvragée. Le canal est franchi par deux ponts au moins jusqu'en 1935. Avant 1953, ils cèdent la place à un ouvrage unique, à parapet en pierre bleue. Celui-ci est pourvu, depuis les années 2000, de passerelles latérales pour piétons et cyclistes.

Séparant les deux derniers tronçons de l'artère, la ligne de chemin de fer Bruxelles-Gand présentait à l'origine à cet endroit un passage à niveau. En 1913 est aménagé sous les voies, à hauteur de la rue Hubert Stiernet, un passage piétonnier conçu par l'architecte Alban Chambon (voir notice). Dans le cadre de l'Exposition universelle de 1935, organisée sur le plateau du Heysel, le passage à niveau cède la place à un tunnel routier flanqué de passages pour piétons, faisant disparaître le terre-plein central bordé de rangées d'arbres aménagé à cet endroit. De style Art Déco, cet aménagement présente des rampes tubulaires, des dés de pierre bleue géométriques, certains logeant jadis des lanternes, des piliers polygonaux parés de céramique jaune et rouge, ainsi que des grilles à volutes.

Initialement, la portion d'artère faisant face à l'église Notre-Dame était désignée sous les noms d'avenue de Laeken, avenue de l'Église de Laeken ou encore avenue de la Reine Louise. Laeken opte toutefois rapidement pour la dénomination d'avenue de la Reine, une décision suivie par Schaerbeek, en séance du Collège du 21.06.1864, pour le prolongement sur son territoire. Tout comme pour la place du même nom, la dénomination rend hommage à la première reine des Belges, Louise d'Orléans (Palerme, 1812 – Ostende, 1850), épouse de Léopold Ier, qui fit construire l'église en sa mémoire.

Avenue de la Reine, vue du dernier tronçon vers l'église Notre-Dame de Laeken, AVB/CP.

Résidentielle, l'avenue présente un bâti néoclassique essentiellement érigé des années 1870 aux années 1890, composé de maisons bourgeoises, d'immeubles de rapport à rez-de-chaussée commercial et de quelques hôtels particuliers. Citons les nos20 (entre 1870 et 1876), 100 (1893) et 309 à 313. Quelques constructions adoptent le style éclectique, tel le no51 (années 1880), transformé au rez-de-chaussée. L'avenue compte des enfilades particulièrement cohérentes, comme celle allant du no245 au no271 (voir la plupart de ces numéros) ou encore celle formée par les nos1-3, 5 – conçus en 1883 en ensemble avec les nos18 à 21 place Liedts et 128 à 132 rue des Palais – 7 (années 1880), 9, 11, 13 et 15 (entre 1870 et 1876). Nombre d'immeubles ont été transformés au cours du temps. Plusieurs maisons, sinistrées durant la Seconde Guerre mondiale, ont en outre été remplacées par des immeubles à appartements, tels les nos113 (architecte Paul-Amaury Michel, 1950) et 119 (architecte J. Faes, 1946).

Sources

Archives
ACS/Urb. 1-3, 5: 226-1-3-7; 51: 226-51; 100: 226-100; 113: 226-113; 119: 226-119.
ACS/TP 226.
ACS/TP Infrastructure 44, 51, 52.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, 1862, pp. 232-234, 255-256; 1864, pp. 185-186; 1880, pp. 312-314; 1903, pp. 695, 718-719.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, Rapport sur la situation et l'administration des affaires de la commune pendant l'exercice 1863-1864, pp. 349, 351.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, Rapport sur la situation et l'administration des affaires de la commune pendant l'exercice 1864-1865, pp. 338-340.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, Rapport sur la situation et l'administration des affaires de la commune pendant l'exercice 1865-1866, pp. 41-42.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, Rapport sur la situation et l'administration des affaires de la commune pendant l'exercice 1868, p. 58.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, Rapport sur la situation et l'administration des affaires de la commune pendant l'exercice 1870, p. 26.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, Rapport sur la situation et l'administration des affaires de la commune pendant l'exercice 1872-1873, 1873, p. 81.
AVB/TP 32727.
Maison des Arts de Schaerbeek/fonds local.
 
Ouvrages
CULOT, M. [dir.], Schaerbeek. Inventaire visuel de l'architecture industrielle à Bruxelles, AAM, Bruxelles, 1980-1982, fiche 5.
DEKOSTER, J.-A., Les rues de Schaerbeek, Bruxelles, 1981, p. 94.
DE SAEGHER, E., BARTHOLEYNS, E., Histoire populaire de Schaerbeek, Henri Mommens imprimeur-éditeur, Schaerbeek, 1887, p. 85.
VAN BEMMEL, E., Histoire de Saint-Josse-ten-Noode et de Schaerbeek, éditeur E. Van Bemmel, Saint-Josse-ten-Noode, 1869, p. 206.
 
Périodiques
MERTENS, A., ROZEZ, «Reine (avenue de la)», Annuaire du Commerce et de l'Industrie de Belgique, Province de Brabant, Bruxelles et sa banlieue, Bruxelles, Établissements généraux d'imprimerie, 1868, 1870.
Cartes / plans
Plan de la commune de Schaerbeek 1876, Institut géographique national.
Bruxelles et ses environs, Institut cartographique militaire, 1881.
Bruxelles et ses environs, Institut cartographique militaire, 1893.
Plan de la commune de Schaerbeek 1899.
Plan cadastral de la commune de Schaerbeek
, 1907-1908.