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Table des matières
Introduction
1853-1875 : le champ de manœuvres
1880 : l’Exposition nationale
1888 : le Grand Concours international des Sciences et de l’Industrie
1897 : l’Exposition universelle
1905 : le 75e Anniversaire de l’Indépendance de la Belgique
1910 : l’Exposition universelle
De 1900 à 1933 : l’installation des Musées royaux
De l’après-guerre à aujourd’hui
Introduction
Le parc du Cinquantenaire est un vaste pentagone d’une trentaine d’hectares, circonscrit par les avenues de la Joyeuse Entrée, de la Renaissance, de l’Yser, des Gaulois et des Nerviens. Propriété de l’État fédéral, il se situe sur le territoire de la Ville de Bruxelles, à l’exception de sa pointe orientale, délimitée par l’avenue de la Chevalerie, située sur la commune d’Etterbeek. Dans sa partie occidentale, le parc est coupé en deux par la portion à ciel ouvert du tunnel Belliard, creusé dans les années 1970.
Le site du Cinquantenaire s’inscrit dans un projet d’urbanisme ambitieux porté par le roi Léopold II, qui souhaitait embellir Bruxelles afin de l’élever au rang des autres capitales européennes. Avec sa triple arcade monumentale, il constitue un jalon dans la grande séquence urbanistique reliant, via la rue de la Loi et l’avenue de Tervueren, le parc de Bruxelles au Musée royal de l’Afrique centrale.
Dès l’origine, le parc et ses bâtiments présentent une double vocation : ils sont destinés à servir de lieu d’expositions temporaires et de manifestations diverses, mais doivent également accueillir des collections d’art de manière permanente. À partir des années 1930, le site du Heysel reprend la première fonction, tandis que le Cinquantenaire se voit entièrement dédié aux musées : les Musées royaux d’Art et d’Histoire et le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire, auxquels vient plus tard s’adjoindre Autoworld.
De 1879 à 1904, année de sa mort, c’est l’architecte Gédéon Bordiau qui est responsable de la conception générale du parc et de ses bâtiments, ainsi que de l’aménagement des diverses expositions qui s’y succèdent. Par la suite, le chantier est partagé entre les architectes Charles Girault et Léopold Piron. S’il n’est achevé que dans les années 1930, soit près d’un demi-siècle après son commencement, l’ensemble présente néanmoins aujourd’hui une remarquable cohérence, due à une certaine fidélité au projet initial, mais également au caractère majestueux des lignes structurant le site.
L’ensemble du parc et de ses bâtiments est aujourd’hui classé, résultat de quatre phases échelonnées entre 1976 et 2007. Depuis 2005, une grande campagne de rénovation du site est en cours, prévue sur une période de sept à dix ans.
1853-1875 : Le champ de manœuvres
Le site du Cinquantenaire est à l’origine un terrain en pente coupé diagonalement par un ravin (Bulletin communal, 1852, t. I, p. 261), situé sur le territoire d’Etterbeek. Au milieu du XIXe siècle, il est choisi pour accueillir un champ de manœuvres. Suivant un décret impérial de 1810, c’est à la Ville de Bruxelles que revient le devoir de mettre une telle plaine à disposition de la garnison. Le bail du terrain loué au bois de Linthout à Schaerbeek (SORGELOOS, C., 1985, p. 3) expirant en 1852, il fallait trouver un emplacement définitif pour le terrain d’exercices.
En 1850, Félix Dubois et le Hardy de Beaulieu soumettent un projet de prolongement de la rue de la Loi jusqu’à une place d’où partent deux embranchements vers les chaussées de Louvain et de Wavre. Ils implantent le futur champ de manœuvres à l’extrémité de la rue. Ce plan est adopté par le Conseil communal du 08.05.1852 (Bulletin communal, 1852, t. I, p. 280), puis par l’arrêté royal du 20.06.1853 (Bulletin communal, 1853, t. II, p. 345). Les travaux d’aménagement commencent cette année-là, pour s’achever en 1856 : le site est nivelé et des égouts sont construits. La plaine est bordée par de larges artères plantées d’une double rangée d’arbres. Des bâtiments militaires sont projetés sur son pourtour, qui ne seront jamais réalisés (SORGELOOS, C., 1985, pp. 5-6).
En compensation pour son intervention dans les travaux, la Ville obtient, en vertu de la loi du 07.04.1853, de pouvoir étendre son territoire de 194 hectares vers l’est, au détriment des communes de Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek et Etterbeek. Elle annexe ainsi le quartier Léopold, le futur quartier des Squares, situé au nord-est de ce dernier, ainsi que le site du champ de manœuvres.
Rapidement, cependant, la plaine d’exercices est appelée à laisser place à un ensemble prestigieux. Dès 1866, l’inspecteur-voyer Victor Besme présente son Plan d’ensemble pour l’extension et l’embellissement de l’agglomération bruxelloise, sur lequel le site apparaît comme un parc rehaussé d’un palais de l’industrie (Le Cinquantenaire, chronique d’un parc, 1880-1980, 1980). Vers l’est, dans le prolongement de la rue de la Loi, il dessine la future avenue de Tervueren, qui ne sera construite qu’une trentaine d’années plus tard.
La question du déplacement du champ de manœuvres aboutit, le 01.02.1875, à une convention entre la Ville et l’État, ratifiée par la loi du 26.04.1875 (Bulletin communal, 1882, t. II, pp. 1228-1229). Celle-ci stipule que la plaine d’exercices doit être déplacée face aux nouvelles casernes d’Etterbeek, le long de l’actuel boulevard Général Jacques. Six hectares de l’ancien champ doivent par ailleurs être cédés gratuitement par la Ville à l’État, en vue de l’établissement d’un parc. Celui-ci sera aménagé et entretenu par la Ville, tandis que l’État y fera construire un édifice monumental.
La même année, l’architecte Gédéon Bordiau dessine un projet de transformation de la zone située à l’est du quartier Léopold. Celui-ci comprend la création du quartier des Squares, ainsi que l’implantation, sur l’ancien champ de manœuvres, d’un « Palais d’Exposition » entouré de rues rayonnantes (AVB/PP 953, 3285). De plan en H, ce palais d’inspiration classique se compose d’un arc de triomphe à trois ouvertures inégales, relié par une colonnade à deux vastes pavillons rectangulaires.
1880 : l’Exposition nationale
La plaine des manœuvres est abandonnée par la garnison en 1876 (HEYMANS, V., 1994, p. 56). Le 15.12.1877, Bordiau adresse une proposition à la Ville et au Gouvernement. À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Indépendance de la Belgique en 1880, il propose d’aménager sur le site une double exposition (L’Illustration nationale, 28, 12.09.1880, p. 1) : d’une part, une exposition nationale des produits des arts, de l’industrie, de l’agriculture et de l’horticulture et de l’autre, une exposition rétrospective des objets relatifs aux arts anciens, dans l’esprit du Musée de South Kensington, ouvert en 1857 à Londres. Outre des bâtiments provisoires, il réitère l’idée d’un palais à deux pavillons, conçu comme une construction définitive. À l’avenir, le pavillon sud serait destiné à abriter des expositions temporaires, tandis que le pavillon nord serait affecté à un musée permanent.
Pour permettre l’exécution de cet ambitieux projet, une nouvelle convention est signée le 21.04.1879 (Bulletin communal, 1882, t. II, p. 1228). La Ville cède non plus six, mais douze hectares de terrain à l’État, correspondant à une surface polygonale occupant le centre de l’ancienne plaine de manœuvres. Ce terrain est destiné à accueillir le palais définitif, dont l’État s’engage à financer l’édification, devancé d’un parc. C’est la Ville qui se charge de la création de ce dernier, ainsi que des aménagements et constructions provisoires de l’exposition. Le plan de Bordiau est approuvé par l’arrêté royal du 30.05.1879.
L’architecte a fait évoluer son projet originel : la colonnade flanquant l’arcade adopte désormais la forme d’un hémicycle (voir notice), aux extrémités duquel les pavillons présentent un plan plus massé. Cette configuration lui est principalement inspirée par le palais Longchamp à Marseille, conçu en 1862 par l’architecte Henry Espérandieu. L’arcade doit couronner la perspective de la rue de la Loi et magnifier l’échappée vers la future avenue de Tervueren. Si Bordiau présente un premier projet à trois arches, Léopold II le convainc toutefois, sous l’influence de son architecte Alphonse Balat, d’opter pour une arche unique. Le monument doit être couronné par un quadrige conduit par Apollon et Mercure, représentant l’Art et l’Industrie.
Point d’orgue des manifestations du Jubilé, l’Exposition nationale s’ouvre le 16.06.1880. Elle donnera son nom au parc. Faute de budget, la totalité du projet n’a pu être exécutée pour l’événement. Seuls les deux pavillons et le soubassement de l’hémicycle sont construits de manière définitive. Le reste est réalisé en bois, staff et toile peinte. La mise en œuvre d’un fac-similé donnera à Bordiau l’occasion de revoir ses plans en fonction de l’effet d’ensemble. Après 1880, il décidera ainsi d’augmenter les proportions de l’hémicycle afin qu’elles correspondent mieux à l’ampleur du parc (HENNAUT, E., 2003, p. 34).
Derrière l’arcade et ses deux pavillons sont édifiés des halles temporaires, qui seront démolies après l’Exposition. Construites en fer et verre, matériaux caractéristiques des expositions universelles depuis le Crystal Palace de Londres en 1851, elles doivent refléter les avancées techniques des industries belges. Parmi elles, le clou de l’Exposition, une longue halle bordant l’avenue de la Chevalerie, baptisée Galerie des Machines.
Également responsable de l’aménagement du site, Bordiau en dessine la partie centrale, cédée par la Ville à l’État : un jardin à la française de plan polygonal, organisé autour d’un axe central prolongeant la rue de la Loi et marqué par un miroir d’eau. Sa trame classique contraste avec les jardins latéraux, provisoires, aménagés à l’anglaise. Le jardin paysager nord aurait été conçu par Louis Fuchs, celui du sud par Édouard Keilig (HENNAUT, E., 2003, p. 7).
L’axe du parc est ponctué par deux colonnes construites en pavés de porphyre, surmontées d’une statue en bronze représentant le Commerce et l’Industrie. Offertes au Gouvernement par la Société anonyme des Carrières de porphyre de Quenast, elles seront démolies dans les années 1970 lors du percement du tunnel sous le parc. Des multiples pavillons temporaires qui ornaient les jardins, il ne reste aujourd’hui que la Tour Beyaert, conçue par l’architecte Henri Beyaert pour illustrer les propriétés de la pierre de Tournai.
1888 : le Grand Concours international des Sciences et de l’Industrie
Au lendemain de l’Exposition de 1880, il est décidé d’agrandir le parc afin de lui conférer un caractère plus grandiose. En 1879, la Ville s’était réservé, dans le but de les urbaniser, les terrains entourant les douze hectares légués à l’État pour la création du parc. D’une superficie d’environ vingt hectares, ils correspondent aux jardins à l’anglaise et à l’emplacement des pavillons provisoires de l’Exposition nationale. Bordiau avait d’ailleurs élaboré un projet de lotissement du site, composé de rues rayonnant autour de son parc polygonal.
Le 24.02.1885, une nouvelle convention est conclue entre la Ville et l’État, révisant celle de 1879 (Bulletin communal, 1885, t. II, pp. 1241, 1256) : la Ville vend à l’État le reste du terrain de l’ancien champ de manœuvres et l’État reprend à sa charge l’aménagement du parc, dont les limites sont définitivement fixées.
En 1888, s’ouvre sur le site le Grand Concours international des Sciences et de l’Industrie. Si l’édification des bâtiments définitifs avait repris dès 1881, pour ce nouvel événement, seul l’hémicycle est achevé, doté d’une double colonnade ouverte. Les crédits nécessaires n’ayant pas été débloqués, malgré l’insistance du roi, l’arcade est quant à elle une nouvelle fois réalisée en bois et staff.
À l’arrière du complexe s’édifient de nouvelles halles métalliques. Juste derrière l’hémicycle sont ainsi implantées des galeries courbes parallèles et, latéralement, des halles organisées autour de deux jardins carrés ; plusieurs de ces constructions subsistent aujourd’hui dans la partie nord du site. À l’arrière de l’arcade prend place la plus vaste de ces halles métalliques, la Halle Internationale des Machines, construite par les entreprises J. Cockerill et M. Rolin. Conçue d’une seule portée sur 235 mètres de long, elle sera conservée après l’événement.
Bordiau restant à la tête du projet, l’agencement du parc, confié à l’architecte-paysagiste Louis Fuchs (Bulletin communal, 1885, t. I, p. 88), n’est que peu modifié par rapport à 1880. Toujours organisé symétriquement autour du plan d’eau central, il gagne en superficie, même si des bandes latérales restent réservées aux pavillons provisoires. Inspecteur des plantations de la Ville de Bruxelles, Fuchs met en œuvre un boisement systématique du parc.
À l’issue du Concours, les deux pavillons définitifs du désormais dénommé Palais du Cinquantenaire reçoivent leur affectation permanente : l’édifice sud est converti en salle des fêtes, tandis que l’édifice nord est affecté à un Musée de l’Art monumental. En 1889, ce pavillon accueille en effet les collections d’antiquités du Musée royal d’Armures, d’Antiquités et d’Ethnologie, installé à la porte de Hal ; il est rebaptisé Musées royaux des Arts décoratifs et industriels. La grande halle arrière est quant à elle affectée aux futures expositions agricoles et industrielles.
1897 : l’Exposition universelle
En 1889, Léopold II parvient à faire voter un crédit extraordinaire, destiné à la construction de l’arcade du Cinquantenaire. L’objectif est d’inaugurer celle-ci à l’Exposition universelle de 1897. Le 21.07.1890, le roi pose la première pierre de l’arcade. Quatre ans plus tard, les fondations sont terminées. Cependant, une réduction du budget en 1895 et une grève des carriers l’année suivante rendent impossible l’achèvement du projet dans les délais.
Le 10.05.1897, s’ouvre l’Exposition universelle, qui se tient simultanément au parc du Cinquantenaire et, pour la section coloniale, au parc de Tervueren. À cette occasion, l’avenue du même nom a enfin été percée, entre 1895 et 1897, afin de relier les deux sites. Au Cinquantenaire, seuls les piédroits de l’arcade ont pu être édifiés. Pour la troisième fois, ils sont complétés par un fac-similé, accompagné d’une toile monumentale peinte par Devis et Lynen, figurant le quadrige prévu (Bruxelles Exposition 1897, p. 157). Cette structure provisoire ne sera démontée qu’en 1900. Les halles métalliques de 1888 sont maintenues. La grande halle arrière est prolongée d’une centaine de mètres vers le nord ; elle atteint 340 mètres.
Parmi les pavillons provisoires établis dans le parc se trouve une reconstitution du Vieux-Bruxelles. Sa pièce maîtresse est le Palais de la Ville, conçu par l’architecte Paul Saintenoy en style néo-Renaissance flamande. Deux constructions édifiées côte à côte cette année-là ont subsisté jusqu’à aujourd’hui : le Pavillon des Passions humaines, créé par l’architecte Victor Horta pour abriter le relief du même nom sculpté par Jef Lambeaux, et le Pavillon du Panorama du Caire, dessiné par l’architecte Ernest Van Humbeeck, qui sera profondément transformé dans les années 1970.
Dans le parc, Bordiau conçoit deux exèdres identiques, qu’il implante dans l’axe des pavillons de 1880. Deux sculptures sont en outre placées sur le site l’année de l’Exposition: Le Faucheur et Samson envoyant des renards dans les champs des Philistins. Elles y rejoignent Le Dogue d’Ulm, installé en 1896, ainsi que Le Gladiateur Borghèse, une copie d’antique en ciment vraisemblablement placée dans le parc dès 1892 mais aujourd’hui disparue (BOAS, S., CORTEN, I., 2002-2003).
En 1898, cinq travées de la grande halle sont démontées dans l’axe de l’arcade, comme l’avait exigé Léopold II, afin de dégager la perspective vers l’avenue de Tervueren. Le bâtiment se transforme donc en deux halles distinctes. L’année suivante, la halle sud est prolongée de soixante mètres vers l’avenue des Nerviens. Bordiau entreprend en outre l’aménagement de la portion triangulaire du parc vers Tervueren : en 1900, il dresse les plans du grand bassin central ainsi que des murs de soutènement longeant de l’avenue de la Chevalerie. L’année suivante, le parc se dote d’une nouvelle sculpture, intitulée Les Bâtisseurs de villes. Enfin, en 1902, Bordiau dessine les deux entrées principales du site.
1905 : le 75e Anniversaire de l’Indépendance de la Belgique
En vue du 75e anniversaire de l’Indépendance de la Belgique, Léopold II décide de financer lui-même, via la Fondation de la Couronne, l’achèvement de l’arcade. Il fait signer par de « généreux donateurs » – des personnalités jouant prête-noms – une lettre collective offrant au Gouvernement d’achever le monument à leurs frais. Ils s’y engagent en outre à ce que soient mis en œuvre des matériaux exclusivement belges.
Fin 1903, cependant, Bordiau est souffrant et l’architecte français Charles Girault, que Léopold II avait rencontré à Paris à l’Exposition universelle de 1900, est appelé pour lui prêter main forte. Plutôt que de compléter l’arcade, Girault revoit entièrement le programme de celle-ci. À la mort de Bordiau, en 1904, il envisage d’abord un projet sans arche, composé de deux piliers monumentaux réutilisant les piédroits existants. L’architecte propose toutefois rapidement un monument à trois arches de même dimension.
Aux critiques de la Commission des Monuments et des Sites, partisane d’une seule arche, il défend son projet en argumentant qu’il ne s’agit pas d’un monument de glorification, comme les arcs de triomphe romains, mais bien d’une porte de ville devant s’ouvrir sur la large avenue de Tervueren ; une arche unique créerait selon lui un effet d’étranglement (VANDENBREEDEN, J., 1980, pp. 239-240).
Girault conçoit sa triple arcade en petit granit du Hainaut. Il imagine l’ensemble de son décor, caractérisé par un vocabulaire Beaux-Arts, d’inspiration Louis XVI. Pour les statues, l’architecte fait appel à vingt sculpteurs belges de renom. Comme couronnement à son édifice, il reprend l’idée du quadrige lancée par Bordiau.
L’architecte dispose d’à peine un an et demi pour concevoir ses plans et les exécuter. Il met donc en œuvre un chantier gigantesque, où travaillent 450 ouvriers de jour comme de nuit. Une génératrice électrique est installée sur le site, qui fournit l’éclairage artificiel. Pour démolir les piédroits existants, c’est la technique, inédite en Belgique, du dynamitage qui est utilisée par l’entrepreneur Wouters-Dustin. La construction de l’arcade est en outre facilitée par un ingénieux système de pont roulant muni de treuils électriques, coulissant le long de deux énormes échafaudages de bois. Les pierres sont sculptées sur place, dans la grande halle sud. Le chantier devient un lieu de promenade pour les Bruxellois et l’objet de la curiosité des journalistes.
La première pierre de cette nouvelle arcade est posée le 04.01.1905. En mai, le gros-œuvre est terminé. Reste à achever l’important programme sculpté ; pour certaines statues, c’est un moulage en plâtre qui sera placé dans un premier temps. L’arcade est inaugurée par Léopold II le 27.09.1905, soit moins de neuf mois après le début de son édification.
Le nouveau monument étant plus large que l’originel, Girault fait démolir de chaque côté deux travées de l’hémicycle. Dans le même temps, il fait murer son entrecolonnement côté Tervueren. S’il prévoit dès l’origine une frise décorative pour la nouvelle paroi (HENNAUT, E., 2003, p. 36), ce n’est qu’entre 1921 et 1932 que l’hémicycle recevra son décor, une mosaïque sur le thème de la glorification de la Belgique, conçue par des artistes de la Société de l’Art monumental.
1910 : l’Exposition universelle
Le jour de l’inauguration de l’arcade, Léopold II fait remarquer que les pignons des grandes halles de 1888 apparaissent dans les arcs latéraux. En vue de l’Exposition universelle de 1910, pour laquelle le Cinquantenaire accueille une exposition des Beaux-Arts, le roi charge donc Girault de remédier à ce problème et d’améliorer l’aspect de l’esplanade côté Tervueren.
Dès 1899, après le démontage des cinq travées de la grande halle, Bordiau avait déjà élaboré un projet de façades pour les deux nouvelles entités : elles devaient être bordées, face à l’esplanade jusqu’à l’arcade et vers Tervueren, d’une colonnade dorique en pierre bleue ponctuée d’entrées monumentales sous entablement à fronton.
En mars 1908, Girault propose à son tour un ambitieux projet comprenant le rabotage des halles vers l’esplanade, la suppression des pignons et la mise en œuvre d’une toiture bombée. Il leur dessine, dans le style de l’arcade, de nouvelles façades de pierre qui s’étirent jusqu’à cette dernière et auxquelles sont accolés, vers Tervueren, deux vastes pavillons.
C’est finalement un programme plus modeste, signé par Girault en mai de la même année, qui sera mis en œuvre pour 1910 : chaque halle est amputée de trois travées, leur pignon est porté en retrait et devancé d’un portique monumental à entrée axiale. En 1909, l’architecte conçoit entre ce portique et l’arcade un mur de raccordement percé d’un accès. Girault étant peu présent sur le chantier, c’est l’architecte Jean-Joseph Caluwaers qui dirige les travaux (HENNAUT, E., 2003, p. 93).
Après l’Exposition de 1910, qui se tient principalement sur plateau du Solbosch, le parc perd progressivement son caractère commémoratif et festif au profit de sa dimension muséale. Il accueille encore diverses fêtes et foires commerciales, avant de passer le relais au site du Heysel, aménagé pour l’Exposition universelle de 1935.
De 1900 à 1933 : l’installation des Musées royaux
Dès l’origine, Bordiau avait prévu la construction, vers les avenues de la Renaissance et des Nerviens, d’ailes perpendiculaires aux pavillons de 1880, destinées à accueillir musées et expositions temporaires. Pour l’Exposition de 1880, puis pour le Concours de 1888 – cette fois autour de deux jardins carrés –, ce sont cependant de simples halles métalliques qui sont construites.
C’est après 1897 que Bordiau s’attaque au dessin définitif des ailes latérales. En 1900, il dresse un projet d’aménagement du site. Sur le plan, les deux ailes sont toujours organisées autour d’un jardin (F) et présentent vers la ville une façade dotée d’une entrée suivie, aux extrémités, par une rotonde. La partie sud du Palais du Cinquantenaire, désormais réservée aux musées, doit s’enrichir vers l’avenue des Nerviens d’un cloître (J) bordant un second jardin, précédé d’un narthex (L). En 1903, peu avant sa mort, Bordiau achève les plans d’exécution de la rotonde sud (M), ainsi que de la façade extérieure du cloître donnant sur l’avenue des Nerviens (K).
En 1904, c’est l’architecte Léopold Piron, son principal collaborateur, qui reprend la direction du chantier, en se basant sur les plans laissés par Bordiau. L’année suivante, les collections d’antiquités, installées en 1889 dans le pavillon nord de 1880, déménagent dans son pendant sud, rebaptisé Pavillon de l’Antiquité (N).
En 1905-1906, Piron construit la façade vers la ville de l’aile sud (H), reliant le Pavillon de l’Antiquité à la future rotonde. Elle présente une élévation inspirée de celle créée en matériaux provisoires pour le Concours de 1888 comme écran aux halles d’exposition métalliques. En parallèle, l’architecte propose pour l’aile nord, dont Bordiau n’avait pas laissé de plans d’exécution, un projet d’inspiration Beaux-Arts. Très critiqué, il ne sera jamais réalisé (HENNAUT, E., 2003, p. 83). La façade vers la ville, ainsi que les halles qu’elle devance resteront donc celles de 1888.
La construction de la rotonde sud (M) s’échelonne entre 1905 et 1910, suivant les plans de Bordiau. En 1908, Piron s’attaque à la construction des ailes bordant le second jardin, vers l’avenue des Nerviens : il édifie la longue façade néoclassique dessinée par son prédécesseur à front de l’avenue (K), puis le narthex (L) et les ailes du cloître (J), dont il a lui-même dressé les plans entre 1905 et 1908. L’aile orientale abrite une chapelle, que Piron double, vers Tervueren, d’un volume à façade de style Beaux-Arts (I).
Les bâtiments sont presque terminés à la veille de la Première Guerre mondiale. Faute de crédits après la guerre, ils ne seront cependant achevés qu’en 1921. Les collections des Musées royaux des Arts décoratifs et industriels, rebaptisés Musées royaux du Cinquantenaire depuis l’arrêté royal du 24.05.1912, sont installées l’année suivante dans les nouveaux bâtiments.
En 1923, c’est le Musée royal de l’Armée, créé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1910, qui quitte l’abbaye de La Cambre pour emménager dans la partie nord du site du Cinquantenaire. Il s’installe dans les halles métalliques édifiées pour le Concours de 1888 : les galeries courbes derrière l’hémicycle et deux halles bordant le jardin intérieur. Le musée est inauguré le 22.07.1923 par le roi Albert Ier.
En 1924, le Gouvernement approuve l’érection d’une nouvelle aile pour les Musées royaux du Cinquantenaire (Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire, 1, 1929, p. 6). Conçue en style Beaux-Arts par Piron et baptisée galerie Albert-Élisabeth (G), elle est bâtie à partir de 1928 et inaugurée le 30.12.1930. Remplaçant une ancienne halle métallique, la galerie relie le Pavillon de l’Antiquité (N) à la rotonde (M), derrière la façade de 1905-1906 où s’ouvre désormais l’entrée principale de l’institution (H).
Par arrêté royal du 25.01.1929, cette dernière prend le nom définitif de Musées royaux d’Art et d’Histoire. En 1930-1931 est construite l’aile de la section d’Ethnographie (E), bordant la partie nord du jardin carré, perpendiculairement à la galerie Albert-Élisabeth (G) ; elle remplace elle aussi une halle métallique. Enfin, en 1932-1933 sont bâties les ailes de la section des Arts non-européens (D). Implantées à l’arrière du pavillon de l’Antiquité (N), elles remplacent les galeries courbes qui bordaient le sud de l’hémicycle et créent un troisième jardin intérieur, dit jardin exotique ou japonais. Le 18.03.1933 est inaugurée dans le Pavillon de l’Antiquité (N) une reconstitution grandeur nature par l’architecte Henry Lacoste du portique d’Apamée, découvert lors de fouilles belges en Syrie.
Après le décès d’Albert Ier en 1934, le Musée de l’Armée prend pour sa part possession d’une partie du pavillon nord de 1880. Le 09.04.1935, Léopold III y inaugure une salle consacrée à son père et à la Grande Guerre.
De l’après-guerre à aujourd’hui
Le parc
Au fil du XXe siècle, le parc du Cinquantenaire s’est agrémenté de nouveaux pavillons et mémoriaux : le Pavillon africain et le Pavillon de gardien, dont les dates de construction restent inconnues ainsi que le Monument du Congo et le Monument au Général Thys, inaugurés respectivement en 1921 et 1926. De nouvelles sculptures sont placées après-guerre : Les quatre saisons vers 1950, le buste de Robert Schuman en 1987 et enfin le Mémorial de l’Aviation militaire, conçu par Claude Rahir, en 2000.
En 1962 est inauguré le bâtiment de l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA), conçu dès 1955 par l’architecte Charles Rimanque avenue de la Renaissance, perpendiculairement à l’extrémité de la grande halle nord. Dans les années 1970, le Pavillon du Panorama du Caire est converti en mosquée et centre islamique et culturel par l’architecte Mongi Boubaker. Le 12.09.1979, l’État belge cède le Pavillon des Passions humaines à l’asbl Centre islamique et culturel de Belgique pour y abriter un musée ; le projet ne se concrétise cependant pas.
Par ailleurs, de nouvelles installations sont aménagées dans le parc, qui en rompent la symétrie. À partir de 1937, des terrains de sport sont mis à la disposition de l’École royale militaire le long de l’avenue de la Renaissance. Après 1945, s’ouvre dans sa partie nord une plaine de jeux pour enfants, accompagnée dans les années 1950 par un pavillon pour retraités et une piste de pétanque (CARTUYVELS, S., 2003, p. 72). Dans la première moitié des années 1970, le parc est en outre éventré par une portion à ciel ouvert du tunnel Belliard, creusé sous le site. Cette intervention entraîne la démolition des colonnes de Quenast, placées en 1880.
Les Musées royaux d’Art et d’Histoire
En 1946, le Pavillon de l’Antiquité (N) est détruit par un incendie. Il est reconstruit suivant des plans dessinés en 1956 par les architectes Robert Puttemans et Charles Malcause. Le gros-œuvre est terminé fin 1958, mais le nouvel édifice n’est inauguré qu’en 1966.
Les architectes conçoivent un bâtiment d’un modernisme classique, respectant la volumétrie et les matériaux de l’édifice précédent afin de conserver à l’ensemble une certaine homogénéité.
En 1955, est creusé un abri anti-atomique en face de la galerie Albert-Élisabeth (G, H). Enfin, en 1992, le jardin central est transformé en une vaste salle d’expositions temporaires (F).
Le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire
Après la Seconde Guerre mondiale, le Musée royal de l’Armée s’approprie la totalité du pavillon nord, où est aménagée une section consacrée à la Seconde Guerre mondiale, inaugurée le 10.05.1955 par le roi Baudouin. Deux ans auparavant, il avait pris le nom officiel de Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire.
En 1972 s’ouvre la section Air et Espace, dans la grande halle nord, puis en 1980 la section des Blindés, dans le jardin intérieur, devenu une cour. Entre 1985 et 1987, le pavillon nord, entretemps rebaptisé halle Bordiau, fait l’objet d’importants réaménagements par la Régie des Bâtiments. Enfin, en 1996, la cour triangulaire située à l’arrière de l’hémicycle accueille la section de la Marine.
Autoworld
En 1986, la grande halle sud accueille Autoworld, consacré à l’histoire de l’automobile. Le musée partage l’espace avec l’atelier de moulage des Musées royaux d’Art et d’Histoire, installé au niveau inférieur, accessible par l’avenue des Nerviens.
Classement et rénovation
Le 18.11.1976, le site du Cinquantenaire est classé par arrêté royal, de même que le Pavillon des Passions humaines. Le 29.06.1984, ce sont l’arcade et l’hémicycle à colonnade qui sont classés. Une extension de classement du 22.04.2004 englobe ensuite les bâtiments abritant le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire, les Musées royaux d’Art et d’Histoire, ainsi qu’Autoworld. L’Institut royal du Patrimoine artistique fait quant à lui l’objet d’un arrêté de classement le 29.11.2007.
Au début des années 2000, vu le mauvais état de conservation du site, la Fondation Roi Baudouin commande une étude très complète tant du patrimoine bâti que du patrimoine naturel du parc. Celle-ci débouche, en 2005, sur le lancement d’une grande campagne de restauration, prévue pour s’échelonner en six phases, sur sept à dix ans. L’objectif est de rendre au parc son caractère grandiose en restaurant sa géométrie originelle, en révisant son éclairage, en rénovant ses édicules et son petit patrimoine et en régénérant ses plantations. La couverture de la trémie du tunnel est également au programme, tout comme l’organisation d’un concours d’architecture européen pour l’implantation d’une brasserie dans la partie ouest du parc.
Sources
Archives
Archives d’Architecture moderne.
Archives de Charles Girault, Musée royal de l’Afrique centrale.
Archives nationales de France.
Archives du Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire.
AGR/Ministère des Travaux publics, Administration des Bâtiments, Cartes et plans des Bâtiments d’État, 27-40.
AGR/Ministère des Travaux publics, Administration des Ponts et Chaussées, Bâtiments civils, inventaire T039/07, indicateur 602, boîtes 145 à 173.
AVB/Bulletin communal de Bruxelles.
AVB/PP 307 (1853), 312 (1879), 408 (1879), 409-411 (1880), 953 (1875), 3285 (1875), 3519 (1877), K16 (1906-1909).
AVB/TP 459 (1871-1896), 60701 (1887-1888), 70897 (1956), 89311 (1983), 91980 (1985).
Ouvrages
Album commémoratif de l’Exposition nationale, 1830-1880.
BOAS, S., CORTEN, I., Inventaire du petit patrimoine du parc du Cinquantenaire, étude inédite réalisée pour la Fondation Roi Baudouin, 2002-2003.
BOULANGER-FRANÇAIS, J., Parcs et Jardins de Bruxelles, Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, 1993, pp. 78-80.
CARTUYVELS, S., Parc du Cinquantenaire. Histoire du parc, étude inédite réalisée pour la Fondation Roi Baudouin, 2003.
CERCLE D’HISTOIRE ET DU PATRIMOINE D’ETTERBEEK, Le Cinquantenaire au fil du temps, 1997.
DELTOUR-LEVIE, C., HANOSSET, Y., Le Cinquantenaire et son site, coll. Bruxelles, Ville d’Art et d’Histoire, 1, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Service des Monuments et Sites, Bruxelles, 1993.
DELTOUR-LEVIE, C., VAN WAEG, A. (coord.), Musée du Cinquantenaire, Crédit Communal de Belgique, Bruxelles, 1994.
DEMEY, T., Bruxelles, chronique d’une capitale en chantier (1865-1975), t. 1, Paul Legrain-CFC éditions, Bruxelles, pp. 22-24.
FONDU, Landscape architects, Parc du Cinquantenaire – schéma directeur, étude inédite réalisée pour la Fondation Roi Baudouin, 2003.
HENNAUT, E. (dir.), Parc du Cinquantenaire, le complexe architectural dans ses relations avec le parc, étude réalisée pour la Fondation Roi Baudouin, Archives d’Architecture moderne, 2003.
HEYMANS, V., Architecture et Habitants. Les intérieurs privés de la bourgeoisie à la fin du XIXe siècle (Bruxelles, quartier Léopold – extension nord-est) (thèse de doctorat en Histoire de l’Art), Université Libre de Bruxelles, 1994.
HEYMANS, V., Le quartier des Squares. Marguerite, Ambiorix, Marie-Louise, Gutenberg, coll. Bruxelles, Ville d’Art et d’Histoire, 13, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Service des Monuments et Sites, Bruxelles, 1995, pp. 24-25.
Musées Royaux d’Art et d’Histoire (Parc du Cinquantenaire) Bruxelles, s.d., s.l.
Le Cinquantenaire, chronique d’un parc, 1880-1980, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, 1980.
RANIERI, L., Léopold II urbaniste, Hayez, Bruxelles, 1973, pp. 123-140.
SNAET, J., De luchtvaarthal van het Koninklijk Museum van het Leger en van de Krijgsgschiedenis. Historische studie, Régie des Bâtiments, 2006.
Un « Central Park » au cœur de l’Europe. La restauration du Parc du Cinquantenaire, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, 2005.
Périodiques
Bruxelles Exposition 1897, organe officiel de l’Exposition internationale, Rossel, Bruxelles, 1897.
Bulletin des Musées royaux des Arts décoratifs et industriels, 1, 1901, pp. 1-3.
« Les nouveaux locaux », Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire, 1, 1929, pp. 5-7.
VANDENBREEDEN, J., « Le centenaire du Cinquantenaire. Le Palais des Arts Industriels de G. Bordiau », Crédit communal de Belgique, Bulletin trimestriel, 134, 1980, pp. 231-250.
SORGELOOS, C., « La plaine des manœuvres et l’urbanisme bruxellois », Crédit Communal de Belgique. Bulletin trimestriel, 1985, 153, pp. 1-12.
DE SCHOUTHEETE DE TERVARENT, I., « Le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire », Demeures Historiques et Jardins, 150, 2006, pp. 30-35.
« Constructions du Grand Concours international », Journal illustré de l’Exposition universelle de Bruxelles 1888, pp. 59-63.
« Exposition nationale de 1880 », L’Émulation, 1881, col. 23, pl. 1-12.
« Nécrologie. Gédéon Bordiau », L’Émulation, 3, 1904, col. 20-21.
L’Illustration nationale des Fêtes et Cérémonies du 50e Anniversaire de l’Indépendance de la Belgique, Bruxelles, 1880.
Sites internet
www.klm-mra.be
www.kmkg-mrah.be
Fichiers
Photo aérienne du parc du Cinquantenaire (PDF - )