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L'avenue constitue la colonne vertébrale du plan de réaménagement du quartier dit Teniers-Josaphat, constitué par l'ancien noyau villageois de Schaerbeek, dessiné par l'ingénieur communal des Travaux Octave Houssa. Elle remplace l'ancienne voie principale du quartier, formée par la rue Teniers, une artère au tracé irrégulier qui menait de la chaussée de Haecht à la place Saint-Servais, située à hauteur de la rue Herman, où elle était prolongée par la Petite rue au Bois, qui continuait son chemin au-delà du chemin de fer (aujourd'hui les rues Josse Impens et Auguste Lambiotte). Élaboré à partir de 1898, le plan de transformation est ratifié par l'arrêté royal du 10.02.1902 puis définitivement par celui du 21.04.1906, dans le cadre de la création du quartier dit de la Vallée Josaphat.
L'idée est de raccorder la chaussée de Haecht au boulevard de ceinture et à un parc public à créer, le parc Josaphat, reliant ainsi l'ouest de la commune, déjà urbanisé, aux terrains encore vierges situés à l'est. À l'instar de l'avenue Louise, qui relie le centre-ville au bois de la Cambre, l'avenue est pensée comme une artère prestigieuse, sorte de promenade arborée et attrayante menant au parc. Dans l'axe de la nouvelle église Saint-Servais, elle suit le relief de la vallée du Maelbeek, offrant une ample perspective terminée en éventail. Dans sa première partie, l'avenue présente une largeur de 40 mètres, divisée en deux voies de 9 mètres séparées par un terre-plein central de 16 mètres, doté de rangées d'arbres, de pelouses et de parterres de fleurs. En s'élargissant, le terre-plein offre une vaste pelouse assurant la transition avec la verdure du parc.
Pour mener à bien cet ambitieux projet, la Commune procède dès 1902 à l'achat des terrains destinés à l'assiette de l'avenue et aux lotissements la bordant. Si les travaux d'aménagement s'effectuent entre 1904 et 1913, l'avenue est officiellement ouverte et les parcelles mises en vente en 1905. Cette année-là est démolie l'ancienne église Saint-Servais, désaffectée depuis les années 1870 au profit du nouvel édifice (voir chaussée de Haecht). Située au cœur du noyau villageois, le long de l'ancienne rue Teniers, l'ancienne bâtisse se retrouvait au beau milieu du tracé de la future avenue. Un vase en bronze de Godefroid Devreese marque désormais l'emplacement de son chœur (voir notice). Situé en face, seul le presbytère de l'église a subsisté (voir no37).
C'est en séance du Collège communal du 07.03.1905 que l'avenue reçoit son nom. Fondateur du Parti Ouvrier Belge et du Foyer Schaerbeekois, échevin à Schaerbeek de 1895 à 1921 et ministre d'État, Louis Bertrand (Molenbeek, 1856 – Schaerbeek, 1943) est l'une des figures principales du développement urbanistique de Schaerbeek.
Pour garantir la construction d'habitations à la hauteur du prestige de l'avenue, la Commune élabore pour les terrains à bâtir des conditions de vente strictes: un prix de revient de la façade de 50 francs par mètre carré, attesté par un devis des matériaux, et une largeur minimale de 6 mètres. Pour les lots formant l'angle avec la chaussée de Haecht, un concours d'architectes est même lancé (voir nos1-3 et 2). Résultat de ces exigences, pas moins de douze habitations de l'avenue seront primées aux concours de façades organisés à l'époque par la Commune: les nos52-54 au concours de 1906-1907, les nos11 et 13, 15, 19, 34, 36, 38 et 42 à celui de 1907-1908, les nos66 et 74 pour 1908-1909 et enfin le no4 pour 1910-1911 (voir ces numéros).
Érigés pour la grande majorité entre 1906 et 1910, le bâti se compose essentiellement de maisons bourgeoises et d'immeubles de rapport, ces derniers principalement situés aux angles et seuls autorisés à loger un commerce. L'éclectisme domine, certaines façades s'inspirant plus ou moins librement des styles gothique (voir no19), Renaissance française ou italienne (voir nos1-3 et 2, 15, 117 à 127-129), ou encore baroque, telle la maison personnelle de l'architecte Maurice Dechamps (voir no66). L'avenue fait également la part belle à l'Art nouveau, signé Frans Hemelsoet (voir no38) ou Gustave Strauven qui, avec cinq réalisations (voir nos43, 55-61, 63-65, 92 et 94-96), confère une touche flamboyante à l'artère. Aujourd'hui pour la plupart bien conservés, les immeubles de l'avenue dessinent, jusqu'à hauteur des rues de Jérusalem et Édouard Fiers, deux enfilades d'une cohérence et d'une qualité remarquables (voir nos2 à 94-96 et 1-3 à 127-129). L'enfilade du côté impair est seulement interrompue, au no31-35, par une parcelle non bâtie à front d'avenue, qui dépend du Groupe scolaire no1 (voir rue de la Ruche no30 et rue Josaphat nos215, 229, 241). Elle inclut en outre le no87 (1907), transformé aux étages en 1976.
Côté pair, l'îlot compris entre la rue de Jérusalem et l'avenue Voltaire était à l'origine occupé par le Palais des Sports, un édifice remplacé à la fin des années 1960 par l'immeuble à appartements Brusilia (voir no98-104). De ce côté, le tronçon suivant ne se bâtit qu'entre 1928 et 1933, suite aux travaux d'aménagement du chemin de fer passant sous l'avenue du Suffrage universel. Les maisons y sont de styles Art Déco (voir no118) ou Beaux-Arts, comme le no122 (architecte Achille Michel, 1928). Traversant le parc Josaphat, le dernier tronçon côté pair longe le stade du Crossing, récemment rénové (avenue du Suffrage universel no22). Un monument en pierre bleue prend place en face, le Mémorial aux carabiniers et carabiniers cyclistes morts pour la patrie pendant la campagne 1914-1918, conçu en 1921 (sculpteur Fernand Gysen et architecte A. Hastat). À l'origine placé à la Caserne Prince Baudouin, place Dailly, il a été complété pour honorer les victimes militaires de la Seconde Guerre mondiale.
Sources
Archives
ACS/Urb. 176-37; 87: 176-87; 122: 176-122.
ACS/TP Dénomination des rues III.
ACS/Bulletin communal de Schaerbeek, 1898, p. 1513, pp. 1544-1554; 1902, pp. 232, 235-239.
Ouvrages
DEBOURSE, X., Schaerbeek. Parcours d'Artistes, Arobase Édition, Bruxelles, 2009, p. 14.
DEROM, P., Les sculptures de Bruxelles. Catalogue raisonné, Galerie Patrick Derom, Bruxelles, 2002, p. 116.
GUILLAUME, A., MEGANCK, M., Atlas du sous-sol archéologique de la région bruxelloise. 16. Schaerbeek, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, 2006, pp. 57-59.
HANOSSET, Y., MARCHI, Ch., L'avenue Louis Bertrand et le parc Josaphat, Bruxelles, Ville d'Art et d'Histoire, Solibel Édition, Bruxelles, 1995.
HERMANS, F., KREUTZ, M., Étude et inventaire de l'avenue Louis Bertrand à Schaerbeek, Direction des Monuments et des Sites de la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, 2006.